Par Laurie Mailhac, Consultante IoT chez Synox.
Toutes les entreprises qui lancent une innovation sur le marché sont confrontées aux contraintes techniques de l’environnement du produit. Mais également à l’utilisateur final : celui qui va utiliser la solution, celui qui va faire fonctionner le système. Au-delà de la prouesse technique et une fois que les décideurs ont validé le POC (Proof Of Concept), il faut parvenir à montrer à l’utilisateur final que l’innovation est faite pour l’aider dans son quotidien – sans quoi l’innovation restera sagement au fond du tiroir.
Pourquoi l’innovation ne doit pas effrayer ?
C’est un phénomène complètement humain : nous avons tous peur du neuf. Qui dit innovation, dit bouleversement des habitudes et donc nécessité de modifier notre comportement pour s’adapter à la nouveauté. Qui n’a jamais hésité plusieurs minutes pour choisir un paquet de pâtes, puis finalement s’est résigné à prendre encore une fois les Coquillettes Cuisson 3min… Conserver ses habitudes et ne rien changer c’est facile, c’est rester dans sa zone de confort en quelque sorte.
La deuxième source d’aversion pour les produits innovants réside dans le manque de connaissances des fonctionnalités proposées. Quand on dit qu’il est préférable de choisir un iPhone plutôt qu’un smartphone Android car Apple ne conserve « que » X positions par jour alors que Google en stocke X², c’est que l’on ne s’imagine pas que X positions suffisent à retracer la journée de l’utilisateur. Quand on affirme que les objets connectés ne sont bons que pour les POC, c’est que l’on ne connaît pas les potentielles fonctionnalités, ni les cas d’usage et surtout que l’on n’a pas conscience du nombre d’équipements déjà connectés depuis des décennies. Autant d’exemples qui montrent qu’une meilleure connaissance du produit et de son contexte est nécessaire pour que l’utilisateur surmonte son appréhension.
Un autre élément qui ne joue pas en faveur des concepteurs de produits nouveaux : la propagation des expériences négatives à vitesse éclair. Lorsque le compteur Linky a été déployé, les gens n’avaient en tête que la peur d’être trackés et envahis de mauvaises ondes. Sans rentrer dans le débat du “pour/contre” le compteur connecté, la peur de la nouveauté avait encore frappé, ajouté à cela notre tendance naturelle à propager l’alerte d’éventuels dangers. Personne ne s’est attardé sur les impacts positifs de ce déploiement ni sur le fonctionnement réel du compteur.
Comment obtenir l’acceptation de l’utilisateur
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Prouver la valeur ajoutée du nouveau produit, ce que gagne l’utilisateur
Cela fait peur de savoir qu’une entreprise américaine retrace, et potentiellement revend, nos données personnelles. Mais dans l’ensemble, nous sommes prêts à vendre notre âme au diable pour pouvoir jouer à Candy Crush ou éviter les radars avec Waze. Pour gagner l’acceptation de l’utilisateur, il faut donc lui donner un service en retour pour lequel il sera prêt à surmonter sa peur de la nouveauté.
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Obtenir la confiance des utilisateurs
Pour prouver à l’utilisateur qu’un nouveau produit est digne de confiance, il faut expliquer simplement en quoi il répond parfaitement aux normes de sécurité. Que ce soit au niveau de la protection des données personnelles ou plus globalement dans son environnement – prouver par exemple que le système a très peu de risque d’être hacké et/ou détourné de son usage premier. Si vous voulez convaincre un responsable de Smart City de déployer des modules de tracking sur toute sa flotte de vélos connectés, il faudra auparavant lui confirmer que la sécurité est assurée depuis la captation jusqu’à la plateforme de restitution, soit tout au long du transport et du stockage de la donnée. C’est-à-dire qu’il faudra, à un moment donné, mettre les mains dans le cambouis et lui parler de cryptage AES, lui expliquer ce qu’est un APN privé ou encore lui conseiller le LightWeight M2M pour l’interopérabilité de ses systèmes.
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Informer et éduquer l’utilisateur
Le meilleur moyen de maintenir ce lien de confiance est de montrer à l’utilisateur comment paramétrer le produit et comment il peut maîtriser son flux de données. Cela passe, par exemple, par un on-boarding adapté pour une application mobile ou bien par un tutoriel clair et efficace pour l’utilisation d’un objet connecté – en plus d’une expérience utilisateur travaillée évidement.
Une innovation c’est avant tout prendre des risques. Il faut savoir jongler à la fois avec cette peur du risque et le degré d’adoption des nouveaux usages amenés par l’innovation. En somme, tout l’enjeu n’est-il pas d’être capable de défendre l’utilité sociétale des innovations que les entreprises proposent ?